Collaboration Alouette / La Rochelle Université : chronique d’un succès annoncé
[Histoire de Qilin]
La startup deeptech Alouette a initié, avec l’appui de la technopole Altæ, une collaboration avec La Rochelle Université pour appuyer sa politique de recherche et développement. Décryptage d’une collaboration tripartite bien partie pour devenir une success story…
Avec :
Antoine Vidon
Co-fondateur d’Alouette.ai
Cyrille Suire
Maître de conférences en informatique, laboratoire L3i,
La Rochelle Université
Natacha False
Chargée de mission Recherche & Innovation de Altæ
Difficile de passer à côté d’Alouette.ai quand on est dans l’écosystème innovation local. La start-up deeptech, implantée à Niort, est partout : dans la presse (Le Courrier de l’Ouest, la Nouvelle-République), à Niort Tech où elle a pris bureau, au INNN où elle intervenait sur une table-ronde aux côtés de la BPI et de La Rochelle Université… et c’est justement avec cette dernière que Alouette a développé ces derniers mois une collaboration pour enrichir le développement de son entreprise qui travaille sur un copilote d’intelligence artificielle à destination des ingénieurs de la décarbonation.
Trajectoire d’une startup deeptech en plein développement
Antoine Vidon, à quel stade de développement de Alouette.ai en êtes-vous actuellement ?
Antoine V. : " Avant de lancer Alouette.ai, avec Bruno nous travaillions déjà sur un projet commun. Convaincus que le développement et la démocratisation de l’IA offrait des opportunités pour répondre à des défis majeurs de la décarbonation de l’industrie, on a décidé de se lancer… La startup a été créée en avril 2024, et actuellement, on est en phase d’amorçage : le prototype est en cours de finalisation et sera lancé pour un beta test d’ici quelques semaines. “
Quelles sont vos problématiques actuelles ?
Antoine V. : “ Le produit, c’est subtil : c’est une articulation fine entre la tech et le marché. Ça nécessite de s'intéresser à nos cibles, au taux d'adoptabilité, au rendement, … Ce qui est particulier quand on est une “deeptech”, c’est que le degré de technicité de notre produit est très important, et qu’en même temps on a de forts enjeux de différenciation, des décisions stratégiques à prendre pour orienter le produit, et donc notre politique de R&D… ”
Pourquoi avoir choisi l’écosystème innovation des Deux-Sèvres pour vous implanter ?
Antoine V. : “ Lorsqu’on s’est posé la question de l’incubation, on a de fait exclu Paris, car la bande passante des accompagnants y est saturée. Ayant par ailleurs une connexion personnelle avec le territoire des Deux-Sèvres, on s’est intéressé à son écosystème et on a contacté Altae. Ça a tout de suite matché avec l’équipe.
Du fait de nos enjeux technologiques forts dont je parlais à l’instant, avoir une ressource dédiée aux relations avec les acteurs de la recherche au sein de la technopole (NDLR : Natacha False) nous a convaincu de nous implanter ici. La compréhension de nos besoins et l’accompagnement pointu proposé ont été décisifs. Et tout s’est très vite enchaîné… "
Quels en sont les atouts du territoire selon vous ?
Antoine V. : “ En premier lieu, Niort a l’avantage d’être très accessible quand on est multi-site comme nous. Plus largement, les ambitions portées par la Région Nouvelle-Aquitaine sont très claires en matière de décarbonation. Ici, ce sont des sujets qui parlent, on a des prospects intéressants. Ce territoire a des enjeux forts, de nombreuses ressources à préserver et exploiter intelligemment… ”
Natacha F. : “ L’avantage de notre territoire pour une start-up, c’est certes qu’il est moins saturé pour reprendre les propos précédents d’Antoine, mais aussi plus bienveillant ! On a moins de projets, a fortiori deeptech, donc moins de concurrence et plus d’intérêt de la part des acteurs institutionnels qui se montrent plus accessibles et soutiennent davantage les start-up. ”
Altae : un tiers de confiance précieux
Comment Altae vous a accompagné jusque là dans vos problématiques en lien avec la R&D ?
Antoine V. : " La médiation apportée par la Technopole a été d’une grande aide : Natacha nous a présenté une cartographie des laboratoires de recherche, elle nous a aidé à cibler ceux en liens avec nos sujets, à solliciter et organiser les rencontres, à préparer les intéractions, à comprendre nos enjeux mutuels pour faciliter la collaboration, etc… Ce sont clairement des conditions préalables à une bonne collaboration ! “
Natacha F. : " L’accompagnement proposé par Altæ est une sorte d’élévation de dynamiques et ambitions intrinsèques à la start-up. La spécificité de notre territoire, les Deux-Sèvres, est d’être située entre La Rochelle Université et l’Université de Poitiers. Nous n’avons pas de laboratoire à proprement parler (sur le Niortais), alors que ce sont des acteurs qui permettent de renforcer les politiques R&D innovantes.
De fait, nous sommes allés à leur rencontre afin de connaître les sujets de recherche des laboratoires, de comprendre leurs enjeux et leur fonctionnement, en vue de créer des ponts avec nos startups. Thomas Rogaume, Vice-président délégué à la Recherche, innovation et partenariats économiques de l’Université de Poitiers, fait partie de notre Conseil d’administration et contribue à faire le lien entre nos structures. Nous entretenons des relations privilégiées avec les directeurs des labos et enseignants chercheurs...
La résultante, c’est qu’aujourd’hui nous sommes en capacité d’accompagner nos startups sur la sélection des laboratoires, la mise en relation avec les bons interlocuteurs, la construction de leur projet de recherche, mais aussi le sourcing de stagiaires/alternants/doctorants, … “
Justement, comment s’est créé le lien entre Alouette et le L3i ?
Natacha F. : “ Le lien humain est fondamental. Alouette.ai a la particularité d’être portée par 2 docteurs, ce qui a été extrêmement facilitant : l’entrepreneur et le chercheur sont tous deux passionnés. La passion doit être commune pour le sujet ou l’innovation. ”
Cyrille S. : “ La première fois que j’ai entendu parler d’Alouette, c’était dans un couloir à Niort Tech, en discutant avec Alexis (NDLR : Alexis Nault, directeur de la Technopole). Ça a attisé ma curiosité. Puis Altæ a organisé une rencontre avec les 2 cofondateurs d’Alouette.ai au labo de L3i en début d’année. On a discuté tout l’après-midi et on a d’emblée identifié des sujets d’intérêt commun. On s’est tout de suite bien entendu avec Antoine et Bruno. Le fait qu’ils soient docteurs, qu’ils aient fait de la recherche et qu’ils connaissent le fonctionnement du monde académique nous a permis d’avancer très vite. Souvent, cette phase est plus difficile et nécessite du temps pour apprendre à se connaître avant d’aller sur une relation engageante. Il faut convaincre les entreprises de leur intérêt à travailler avec nous. Qu’ils comprennent qu’on n’est pas là en mode presta classique. Ça dépend aussi beaucoup des intérêts scientifiques et de développement de l’entreprise, il faut que ça coïncide avec nos projets de recherche. ”
Quelle importance de créer du lien entre les labos et les startups et quels enjeux pour Altae ?
Natacha F. : “ Il s’agit de créer de la valeur et d’optimiser l’innovation ou la politique R&D des entreprises accompagnées. Le développement de la profondeur d’innovation du projet de la startup, qu’elle soit technologique, sociétale ou business, peut être optimisée et stimulée par les liens avec les laboratoires. Cela permet ainsi de garantir leur plus-value unique sur le marché et de conscientiser leur valeur ajoutée, pour eux-mêmes mais aussi pour leurs cibles. "
Start-up / labos : donnant donnant ?
Quelle collaboration avez-vous mis en place avec Alouette ?
Antoine V. : " Avec le MIA, on travaille sur l'embedding des données structurées dans des espaces hyperboliques. C’est un sujet très technique qui, pour le moment, relève du domaine exploratoire. Les étudiants du Master 2 en Machine learning vont tout d’abord pré-tester nos hypothèses dans le cadre de projets. Avec le L3i en revanche, on travaille à exploiter le “process mining” pour s’intéresser à la mise en œuvre d’un processus pour générer de l’efficacité et du prédictif. On a monté ensemble un sujet de thèse Cifre, pour lequel on est en cours de recrutement. “
Cyrille S. : " En effet, dans une de nos équipes de recherche du labo L3i, on a développé des méthodes de “process mining”. Grosso modo, ce sont des algorithmes qui permettent d’analyser des process, c'est-à-dire un ensemble de tâches, d’actions, qui s'enchaînent les unes avec les autres. On cherche à mesurer le delta entre ce qui est défini et le réel. On essaie de catégoriser ces process pour voir quand ça marche, où ça pose problème, et comment les optimiser… Alouette de son côté conçoit un système informatique multi agents qui effectuent des tâches ultra spécialisées avec de l’IA générative. On va donc s'intéresser aux échanges entre ces agents en utilisant notre méthode de process mining, en vue d’optimiser les processus de communication. “
Est-ce que vous en mesurez déjà des bénéfices de cette collaboration naissante ?
Cyrille S. : “ On a décidé de travailler ensemble et de monter un sujet de thèse au début de l’été. Pour La Rochelle Université, c’est l’opportunité de recruter un doctorant à moindre coût dans le cadre d’une thèse Cifre, et donc de former un jeune, de continuer à développer la recherche sur un sujet concret, et de défricher de nouveaux enjeux à creuser avec en plus, côté entreprise, des expertises complémentaires aux nôtres. ”
Antoine V. : “ Côté Alouette, on en ressent aussi déjà des bénéfices. La maturité sur nos objets de recherche bénéficie depuis des mois à notre conception. On structure différemment notre pensée, ça nourrit notre R&D et notre vision du produit. De plus, nos sujets étant intrinsèquement deeptech, nos collaborations avec les laboratoires viennent renforcer notre crédibilité. Elles nous ont permis de débloquer la bourse French Tech Deeptech. Les conversations avec les chercheurs nous rendent meilleurs, et c’est perçu… ”
Quels sont les facteurs de succès d’une collaboration start-up / université ?
Cyrille S. : “ Il faut qu’on se parle ! En cela, Altae est un instrument fondamental dans la création de la relation, il agit comme tiers de confiance. Par ailleurs, la présence de l’université dans un lieu comme Niort Tech, où se croisent entrepreneurs, étudiants, enseignants, etc., facilite le décloisonnement et l’interconnaissance des acteurs. Cela permet la construction d’un lien de confiance, fondamental pour la réussite des projets de collaboration. C’est vraiment tout l’intérêt pour nous de nous implanter dans un lieu comme celui-ci… "
Antoine V. : “ Je suis totalement d’accord. Il faut commencer par créer les bonnes conditions de l’échange. Les chercheurs, les labos, ont globalement très peu de temps. Il est primordial de travailler les premières intéractions. Dans notre cas, la médiation de Natacha a été d’une grande aide : le ciblage des labos, la préparation des intéractions, la compréhension des enjeux mutuels, etc. sont facteurs de réussite de la collaboration à venir. Et à la fin, ce qui fait la différence, c’est la connivence intellectuelle ! ”
Plus largement, quels sont les avantages pour une startup de collaborer avec un laboratoire de recherche ?
Antoine V. : “ Le 1er point, selon moi, c’est que ça oblige à raconter son projet à des interlocuteurs dont le système intellectuel et le système de valeurs n’est pas du tout le même qu’aux interlocuteurs habituels des startups (clients, investisseurs, structures d’accompagnement…). Rien que pour cet “exotisme intellectuel”, c’est extrêmement riche. Si on est prêt à faire preuve de cette flexibilité, ça peut véritablement nourrir le pitch, sur des aspects auxquels on ne s'attendait pas du tout ! Le 2e point, c’est que les labos ont des solutions à des problèmes que l’on n’a pas forcément identifiés au départ, de même que les chercheurs ne savent pas forcément qu’ils ont des solutions pour les startups... Une fois que t’as franchi les barrières conceptuelles et linguistiques, ça ouvre de vrais champs !”
Par Anne-Céline Henault, Chargée de mission animation et communication